Napoléon Bonaparte et le droit Français, deuxième épisode.

Dans la série thématique : Napoléon Bonaparte et le droit français proposée par Béatrice Chabannes, voici le deuxième épisode. 

Napoléon 1er : Le Conseil de l’ordre des avocats 

1810: un décret établit la profession d’avocat et son ordre

Les bases d’un ordre de la profession d’avocat, supprimée à la Révolution, sont posées par la législation napoléonienne. Le décret du 14 décembre 1810, présenté ici dans sa version originale intégrale, définit la mission publique de l’avocat dans le cadre de barreaux assurant à la fois la qualification et la discipline professionnelle et dont la géographie recoupe celle des tribunaux. L’évolution vers une institution ordinale de plein exercice est consacrée par la loi du 31 décembre 1990.

Nota

Législation du Premier Empire, sous le règne de Napoléon 1er. Claude-Ambroise Régnier en est le ministre de la Justice. 

Les avocats constituent l’une des professions réglementées les plus anciennes de France. Supprimée à la Révolution, comme la quasi-totalité des institutions professionnelles existantes, elle est relégitimée par décret impérial du 14 décembre 1810. Ce texte institue un véritable ordre professionnel mais il place celui-ci sous un contrôle étroit du pouvoir. 

Témoin le préambule, où il est affirmé: «il convient d’assurer en même temps à la magistrature la surveillance qui doit naturellement lui appartenir sur une profession qui a de si intimes rapports avec elle», l’article 14 obligeant à prêter serment «de fidélité à l’Empereur», l’interdiction faite aux avocats, sous peine de radiation, de se coaliser «pour déclarer, sous quelque prétexte que ce soit, qu’ils n’exerceront plus leur ministère» (art 34), ou encore des expressions telles que «Voulons que» (art. 24), «défendons expressément» (art. 36).
 
La constitution du tableau de l’ordre revient aux présidents et procureurs généraux des cours et tribunaux (art. 4) et c’est aussi le procureur qui désigne, au sein du conseil de discipline, un « bâtonnier qui sera chef de l’ordre » (art.21). L’inscription au tableau de l’ordre est requise pour exercer la profession. Comme pour les autres ordres du secteur juridique (notaires, huissiers…), le ressort territorial de l’ordre est calqué sur celui des tribunaux d’instance et cours impériales. Chaque professionnel a liberté de fixation de ses honoraires, sous réserve à la fois «de la discrétion qu’on doit attendre de leur ministère » et d’une « juste modération » (art.43). 

La profession est par ailleurs tenue de pourvoir à la défense des indigents par l’établissement d’un bureau de consultation gratuite » (art 24) et à l’exercice en tant que commis d’office (art. 42).
 
La tutelle sur la gouvernance de la profession sera levée par le régime monarchique de Louis-Philippe (1830-1848), mais réapparaîtra avec plusieurs lois du régime de Vichy (10 septembre 1940, 16 juin 1941) confirmant l’ordre national des avocats dont l’architecture organisationnelle n’est pas modifiée si ce n’est l’exclusion des professionnels d’origine juive.

L’organisation actuelle de l’institution ordinale est issue de la loi du 31 décembre 1990 qui institue un Conseil national des barreaux (CNB) habilité à représenter la profession en France et à l’étranger. La redéfinition du périmètre d’exercice de l’avocat engagée dans le cadre de la loi du 31 décembre 1971 (portant réorganisation de certaines professions judiciaires et supprimant les avoués auprès des TGI et tribunaux de commerce), se poursuit également à travers cette loi qui fusionne les professions d’avocat et de conseil juridique.

Décret impérial du 14 décembre 1810 contenant règlement sur l’exercice de la profession d’avocat et la discipline du barreau (1)

Au palais des Tuileries, le 14 décembre 1810.
Napoléon,
 
Lorsque nous nous occupions de l’organisation de l’ordre judiciaire et des moyens d’assurer à nos cours la haute considération qui leur est due, une profession dont l’exercice influe puissamment sur la distribution de la justice a fixé nos regards; nous avons en conséquence ordonné, par la loi du 22 ventôse an XII, le rétablissement du tableau des avocats comme un des moyens les plus propres à maintenir la probité, la délicatesse, le désintéressement, le désir de la conciliation, l’amour de la vérité et de la justice, un zèle éclairé pour les faibles et les opprimés, bases essentielles de leur état. 

En retraçant aujourd’hui les règles de cette discipline salutaire dont les avocats se montrèrent si jaloux dans les beaux jours du barreau, il convient d’assurer en même temps à la magistrature la surveillance qui doit naturellement lui appartenir sur une profession qui a de si intimes rapports avec elle; nous aurons ainsi garanti la liberté et la noblesse de la profession d’avocat en posant les bornes qui doivent la séparer de la licence et de l’insubordination.

À ces causes,
Sur le rapport de notre grand-juge, ministre de la justice;
Notre Conseil d’État entendu,
Nous avons décrété et décrétons ce qui suit:
 
Titre Ier – Dispositions générales

Article 1 (2)
En exécution de l’article 29 de la loi du 22 ventôse an XII, il sera dressé un tableau des avocats exerçant auprès de nos cours impériales et de nos tribunaux de première instance. 

Article 2
Dans toutes les villes où les avocats excèdent le nombre de vingt, il sera formé un conseil pour leur discipline.
 
Titre II - Du tableau des avocats et de leur réception et inscription

Article 3
Dans les villes où siègent nos cours impériales, il n’y aura qu’un seul et même tableau et un seul conseil de discipline pour les avocats.

Article 4
Il sera procédé à la première formation des tableaux par les présidents et procureurs généraux de nos cours impériales, et dans les villes où il n’y a pas de cours impériales, par les présidents et procureurs impériaux des tribunaux de première instance. Les uns et les autres se feront assister et prendront l’avis de six anciens avocats dans les lieux où il s’en trouve plus de vingt et de trois dans les autres lieux.

Article 5
Seront compris dans la première formation des tableaux, à la date de leurs titres ou réception, tous ceux qui, aux termes de la loi du 22 ventôse an XII, ont droit d’exercer la profession d’avocat, pourvu néanmoins qu’il y ait des renseignements satisfaisants sur leur capacité, probité, délicatesse, bonne vie et mœurs.

Article 6
Les tableaux ainsi arrêtés seront soumis à l’approbation de notre grand-juge, ministre de la justice, et ensuite déposés aux greffes.

Article 7
À la première audience qui suivra l’installation des cours impériales, tous les avocats inscrits aux tableaux prêteront individuellement le serment prescrit par l’article 14 ci-dessous. Les avocats qui n’auraient pu se trouver à cette audience auront le délai d’un mois pour se présenter et prêter le serment à l’audience qui leur sera indiquée.

Article 8
Chaque année, après la rentrée des cours et tribunaux, les tableaux seront réimprimés avec les additions et changements que les événements auront rendus nécessaires.

Article 9
Ceux qui seront inscrits au tableau formeront seuls l’ordre des avocats.

Article 10
Les avocats inscrits au tableau dans une cour impériale seront admis à plaider dans toutes les cours et tribunaux du ressort. Ceux qui seront inscrits dans un tribunal de première instance plaideront devant la cour criminelle et devant les tribunaux de tout le département. Les uns et les autres pourront néanmoins, avec la permission de notre grand-juge, ministre de la justice, aller plaider hors du ressort de la cour impériale ou du département où ils sont inscrits.

Article 11
Les avocats de la cour impériale qui s’établiront près des tribunaux de première instance y auront rang du jour de leur inscription au tableau de la cour impériale.

Article 12
À l’avenir, il sera nécessaire, pour être inscrit au tableau des avocats près d’une cour impériale, d’avoir prêté serment et fait trois ans de stage près l’une desdites cours; et pour être inscrits au tableau d’un tribunal de première instance, d’avoir fait pareil temps de stage devant les tribunaux de première instance. Le stage peut être fait en divers cours ou tribunaux, mais sans pouvoir être interrompu plus de trois mois.

Article 13
Les licenciés en droit qui voudront être reçus avocats se présenteront à notre procureur général au parquet; ils lui exhiberont leur diplôme de licence et le certificat de leurs inscriptions aux écoles de droit délivré conformément à l’art. 32 de notre décret du 4 complémentaire an XIII.

Article 14
La réception aura lieu à l’audience publique sur la présentation d’un ancien avocat et sur les conclusions du ministère public; le récipiendaire y prêtera serment en ces termes: «Je jure obéissance aux constitutions de l’Empire et fidélité à l’Empereur; de ne rien dire ou publier de contraire aux lois, aux règlements, aux bonnes mœurs, à la sûreté de l’État et à la paix publique; de ne jamais m’écarter du respect dû aux tribunaux et aux autorités publiques; de ne conseiller ou défendre aucune cause que je ne croirai pas juste en mon âme et conscience.» Le greffier dressera du tout procès-verbal sommaire sur un registre tenu à cet effet et il certifiera, au dos du diplôme, la réception, ainsi que la prestation du serment.

Article 15
La preuve du stage ou fréquentation assidue aux audiences sera faite par un certificat délivré par le conseil de discipline, et là où il n’y en aura point, par notre procureur.

Article 16
Les avocats pourront, pendant leur stage, plaider et défendre les causes qui leur seront confiées.

Article 17
Les avoués licenciés qui, ayant postulé pendant plus de trois ans, voudront quitter leur état et prendre celui d’avocat, seront dispensés du stage, en justifiant d’ailleurs de leurs titres et moralité.

Article 18
La profession d’avocat est incompatible : 
 1° avec toutes les places de l’ordre judiciaire, excepté celles de suppléant ; 
 2° avec les fonctions de préfet et de sous-préfet ; 
 3° avec celles de greffier, de notaire ou d’avoué ; 
 4° avec les emplois à gages et ceux d’agent comptable ; 
 5° avec toute espèce de négoce ; 
 6° en sont exclues toutes personnes faisant le métier d’agents d’affaires.
 
Titre III - Des conseils de discipline

Article 19
Les conseils de discipline seront formés de la manière suivante :
 L’ordre des avocats sera convoqué par le bâtonnier et nommera, à la pluralité des suffrages de tous les avocats inscrits au tableau et présents, un nombre double de candidats pour le conseil de discipline. Ces candidats seront toujours choisis parmi les deux tiers plus anciens dans l’ordre du tableau. Cette liste de candidats sera transmise par le bâtonnier à notre procureur général près nos cours, lequel nommera, sur ladite liste, les membres du conseil de discipline, au nombre déterminé ci-après.

Article 20
Si le nombre des avocats est de cent ou au-dessus, les conseils seront composés de quinze membres.
 * Ils seront composés de neuf, si le nombre des avocats est de cinquante ou au-dessous ;
* De sept, si les avocats sont au nombre de trente ou plus;
* De cinq, si le nombre des avocats est au-dessous de trente.

Les membres du conseil pourront être réélus.

Article 21
Notre procureur général nommera parmi les membres du conseil un bâtonnier qui sera chef de l’ordre et présidera l’assemblée générale des avocats lorsqu’elle se réunira pour nommer les conseils de discipline. L’assemblée générale ne pourra être convoquée et réunie que de l’agrément de notre procureur général.

Article 22
Les conseils seront renouvelés avant la fin de chaque année judiciaire pour commencer leurs fonctions à la rentrée des tribunaux. Le membre du conseil dernier inscrit au tableau remplira les fonctions de secrétaire du conseil de l’ordre.

Article 23
Le conseil de discipline sera chargé,
 - De veiller à la conservation de l’honneur de l’ordre des avocats;
- De maintenir les principes de probité et de délicatesse qui font la base de leur profession ;
- De réprimer ou faire punir, par voie de discipline, les infractions et les fautes, sans préjudice de l’action des tribunaux, s’il y a lieu. 
 
Il portera une attention particulière sur les mœurs et la conduite des jeunes avocats qui feront leur stage ; il pourra, dans le cas d’inexactitude habituelle ou d’inconduite notoire, prolonger d’une année la durée de leur stage, même refuser l’admission au tableau.

Article 24
Le conseil de discipline pourvoira à la défense des indigents par l’établissement d’un bureau de consultation gratuite qui se tiendra une fois par semaine. Les causes que ce bureau trouvera justes seront par lui envoyées avec son avis au conseil de discipline, qui les distribuera aux avocats par tour de rôle. Voulons que le bureau apporte la plus grande attention à ses consultations afin qu’elles ne servent point à vexer des tiers qui ne pourraient par la suite être remboursés des frais de l’instance. Les jeunes avocats admis au stage seront tenus de suivre exactement les assemblées du bureau de consultation. Chargeons expressément nos procureurs de veiller spécialement à l’exécution de cet article et d’indiquer eux-mêmes, s’ils le jugent nécessaire, ceux des avocats qui devront se rendre à l’assemblée du bureau, en observant, autant que faire se pourra, demander les avocats à tour de rôle.

Article 25
Le conseil de discipline pourra, suivant l’exigence des cas, avertir, censurer ou réprimander, interdire pendant un temps qui ne pourra excéder une année, exclure ou rayer du barreau.

Article 26
Le conseil de discipline n’exercera le droit d’avertir, censurer ou réprimander, qu’après avoir entendu l’avocat inculpé.

Article 27
Il ne pourra prononcer l’interdiction qu’après avoir entendu ou appelé au moins deux fois, à huit jours d’intervalle, l’avocat inculpé.

Article 28
Si un avocat commet une faute grave qui paraisse exiger qu’il soit rayé du tableau, le conseil de discipline ne prononcera qu’après avoir entendu ou appelé au moins trois fois, à huit jours d’intervalle, l’avocat inculpé qui pourra demander un délai de quinzaine pour se justifier ; ce délai ne pourra lui être refusé.

Article 29
L’avocat censuré, réprimandé, interdit ou rayé du tableau, pourra se pourvoir si bon lui semble à la cour impériale par la voie d’appel. Dans le cas de radiation du tableau, si l’avocat rayé ne se pourvoit pas, la délibération du conseil de discipline sera remise au premier président et au procureur général pour qu’ils l’approuvent ; et en ce cas, elle sera exécutée sur le tableau déposé au greffe.

Article 30
Il sera donné connaissance dans le plus bref délai à notre grand-juge, ministre de la Justice, par nos procureurs, des avis, délibérations et jugements intervenus sur l’interdiction et sur la radiation des avocats.

Article 31
Tout avocat qui, après avoir été deux fois suspendu ou interdit de ses fonctions soit par arrêt ou jugement, soit par forme de discipline, encourrait la même peine une troisième fois, sera de droit rayé du tableau.

Article 32
Dans les sièges où le nombre des avocats n’excédera pas celui de vingt, les fonctions du conseil de discipline seront remplies par le tribunal. Lorsqu’il estimera qu’il y a lieu à interdiction ou à radiation, il prendra l’avis par écrit du bâtonnier, entendra l’inculpé dans les formes prescrites par les art. 26, 27 et 28, et prononcera, sauf l’appel.

Titre IV - Des droits et des devoirs des avocats

Article 33
L’ordre des avocats ne pourra s’assembler que sur la convocation de son bâtonnier et pour l’élection des candidats au conseil de discipline ainsi qu’il est dit art. 19. Le bâtonnier ne permettra pas qu’aucun autre objet soit mis en délibération. Les contrevenants à la disposition du présent article pourront être poursuivis et punis conformément à l’article 293 du Code pénal, sur les associations ou réunions illicites.

Article 34
Si tous ou quelques-uns des avocats d’un siège se coalisent pour déclarer, sous quelque prétexte que ce soit, qu’ils n’exerceront plus leur ministère, ils seront rayés du tableau et ne pourront plus y être rétablis.

Article 35
Les avocats porteront la chausse de leur grade de licencié ou de docteur ; ceux inscrits au tableau seront placés dans l’intérieur du parquet. Ils plaideront debout et couverts, mais ils se découvriront lorsqu’ils prendront des conclusions ou en lisant des pièces du procès. Ils seront appelés, dans les cas déterminés par la loi, à suppléer les juges et les officiers du ministère public et ne pourront s’y refuser sans motifs d’excuse ou empêchement.

Article 36
Nous défendons expressément aux avocats de signer des consultations, mémoires ou écritures qu’ils n’auraient pas faits ou délibérés ; leur faisons pareillement défense de faire des traités pour leurs honoraires, ou de forcer les parties à reconnaître leurs soins avant les plaidoiries, sous les peines de réprimande, pour la première fois, et d’exclusion ou radiation en cas de récidive.

Article 37
Les avocats exerceront librement leur ministère pour la défense de la justice et de la vérité ; nous voulons en même temps qu’ils s’abstiennent de toutes suppositions dans les faits, de toute surprise dans les citations, et autres mauvaises voies, même de tous discours inutiles ou superflus. Leur défendons de se livrer à des injures ou personnalités offensantes envers les parties ou leurs défenseurs, d’avancer aucun fait grave contre l’honneur et la réputation des parties, à moins que la nécessité de la cause ne l’exige et qu’ils n’en aient charge expresse et par écrit de leurs clients ou des avoués de leurs clients. le tout à peine d’être poursuivis, ainsi qu’il est dit dans l’art. 371 du Code pénal.

Article 38
Leur enjoignons pareillement de ne jamais s’écarter, soit dans leurs discours, soit dans leurs écrits, ou de toute autre manière quelconque, du respect dû à la justice ; comme aussi de ne point manquer aux justes égards qu’ils doivent à chacun des magistrats devant lesquels ils exercent leur ministère.

Article 39
Si un avocat, dans ses plaidoiries ou dans ses écrits, se permettait d’attaquer les principes de la monarchie et les constitutions de l’Empire, les lois et les autorités établies, le tribunal saisi de l’affaire prononcera sur-le-champ, sur les conclusions du ministère public, l’une des peines portées par l’art. 25 ci-dessus, sans préjudice des poursuites extraordinaires s’il y a lieu. Enjoignons à nos procureurs et à ceux qui en font les fonctions, de veiller, à peine d’en répondre, à l’exécution du présent article.

Article 40
Notre grand-juge, ministre de la Justice pourra, de son autorité et selon les cas, infliger à un avocat l’une des peines portées en l’article ci-dessus cité.

Article 41
Si, en matière civile, une partie ne trouvait point de défenseur, le tribunal lui désignera d’office un avocat s’il y a lieu.

Article 42
L’avocat nommé d’office pour défendre un accusé ne pourra refuser son ministère sans faire approuver ses motifs d’excuse ou d’empêchement.

Article 43
À défaut de règlements, et pour les objets qui ne seraient pas prévus dans les règlements existants, voulons que les avocats taxent eux-mêmes leurs honoraires avec la discrétion qu’on doit attendre de leur ministère. Dans le cas où la taxation excéderait les bornes d’une juste modération, le conseil de discipline la réduira, eu égard à l’importance de la cause et de la nature du travail : il ordonnera la restitution, s’il y a lieu, même avec réprimande. En cas de réclamation contre la décision du conseil de discipline, on se pourvoira au tribunal.

Article 44
Les avocats feront mention de leurs honoraires au bas de leurs consultations, mémoires et autres écritures ; ils donneront aussi un reçu de leurs honoraires pour les plaidoiries.

Article 45
Les condamnations prononcées par les tribunaux en vertu des dispositions du présent titre, seront sujettes à l’appel, s’il y a lieu; et néanmoins elles seront exécutées provisoirement.

Article 46
Notre grand-juge, ministre de la Justice, est chargé de l’exécution du présent décret, qui sera inséré au Bulletin des lois.

Sources et références
1) « Décret impérial du 14 décembre 1810 contenant règlement sur l’exercice de la profession d’avocat, et la discipline du barreau » publié au Bulletin des lois, 4e S., B. 332, n° 6177 ; Au Mémorial A n° 332 du 14 12 1810 ; site du Conseil national des barreaux
2) Le texte source ne comprend pas la mention « article ». Il a été revu suivant une orthotypographie actualisée.

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POUR ALLER PLUS LOIN  

Le Conseil de Prud'hommes de Napoléon Ier à Nos Jours Résumé du livre de Alain Durieux 
Le document "Le conseil de prud'hommes, de Napoléon Ier à nos jours : malgré la parité, l'impartialité en question" d'Alain Durieux retrace l'évolution historique des conseils de prud'hommes en France, depuis leur création sous Napoléon Ier jusqu'à l'époque contemporaine. Il explore les transformations de cette institution judiciaire, ses défis et ses controverses, notamment en ce qui concerne la parité et l'impartialité des jugements rendus.

Introduction et Contexte Historique
Les conseils de prud'hommes sont des juridictions spécialisées dans le règlement des litiges individuels entre employeurs et salariés. Ils ont été créés pour offrir une justice plus adaptée aux spécificités du monde du travail, en complément des tribunaux de commerce et des tribunaux paritaires des baux ruraux. L'ouvrage met en lumière les défis liés à la composition paritaire de ces conseils, où employeurs et salariés siègent en nombre égal, et questionne la capacité de cette structure à garantir un procès équitable.

Les Conseils de Prud'hommes Napoléoniens (1806-1848)
Origines et Création
L'origine des conseils de prud'hommes remonte à l'initiative de Napoléon Ier, qui, lors de son passage à Lyon en 1805, fut sensibilisé aux besoins des fabricants de soieries lyonnais. Ces derniers réclamaient une juridiction capable de régler les conflits internes à leur industrie, en raison de l'inefficacité des tribunaux existants. Napoléon, attaché au développement industriel, soutint cette demande, aboutissant à la loi du 18 mars 1806, qui institua le premier conseil de prud'hommes à Lyon.

Composition et Fonctionnement
Le conseil de prud'hommes de Lyon, composé de neuf membres (cinq négociants-fabricants et quatre chefs d'atelier), avait pour mission principale de résoudre les différends par la conciliation. En cas d'échec, un bureau général, composé de cinq membres au moins, pouvait statuer, sauf si le litige dépassait 60 francs, auquel cas il était porté devant le tribunal de commerce. Les membres étaient élus parmi les fabricants et chefs d'atelier, mais les ouvriers n'étaient pas représentés.

Extension à d'autres Villes
Après Lyon, d'autres villes industrielles demandèrent la création de conseils de prud'hommes. Entre 1806 et 1810, des conseils furent établis à Clermont, Rouen, Nîmes, Avignon, Troyes, Mulhouse, et bien d'autres. Le décret du 11 juin 1809 consolida cette institution en définissant plus précisément sa composition et ses attributions.

Évolution sous la Restauration et la Monarchie de Juillet
Période de la Restauration
Sous la Restauration, les conseils de prud'hommes continuèrent à se développer, bien que le rythme de création ait ralenti. Charles X, par une ordonnance de 1828, institua une médaille distinctive pour les membres des conseils, symbolisant leur rôle officiel. Cependant, l'élan réformateur s'essouffla, et peu de nouveaux conseils furent créés jusqu'en 1840.

Monarchie de Juillet
Louis-Philippe poursuivit la création de conseils de prud'hommes, notamment à Paris, où plusieurs conseils furent établis pour différentes industries. Cependant, les réformes promises après les événements de 1831 ne furent pas mises en œuvre, décevant les ouvriers qui réclamaient une représentation plus équitable.

La Parité et ses Éclipses (1848-1978)
Décret du 27 mai 1848
La Deuxième République instaura la parité au sein des conseils de prud'hommes par le décret du 27 mai 1848. Pour la première fois, le nombre de conseillers ouvriers fut égal à celui des conseillers patrons. Ce décret introduisit également l'alternance trimestrielle de la présidence entre patrons et ouvriers, bien que la voix du président restât prépondérante en cas de partage.

Loi du 1er juin 1853
Sous le Second Empire, la loi du 1er juin 1853 modifia la composition des conseils en renforçant la représentation patronale. Les présidents et vice-présidents furent nommés par l'empereur, ce qui rompit la parité instaurée en 1848. Cette loi suscita des critiques, notamment de la part des ouvriers, qui voyaient dans cette réforme une atteinte à l'équilibre des pouvoirs au sein des conseils.

Loi du 7 février 1880
La Troisième République rétablit la parité par la loi du 7 février 1880, qui prévoyait une présidence alternée entre patrons et ouvriers. Cependant, cette réforme provoqua des tensions, certains patrons boycottant les conseils en signe de protestation.

Loi du 11 décembre 1884
Pour pallier les dysfonctionnements causés par le boycott patronal, la loi du 11 décembre 1884 autorisa le fonctionnement non paritaire des conseils en cas de carence de conseillers d'un des deux collèges. Cette mesure permit de maintenir l'activité des conseils, malgré les résistances patronales.

Réformes du XXe Siècle
Loi du 15 juillet 1905
La loi de 1905 introduisit le juge départiteur en cas de partage des voix, permettant ainsi de résoudre les litiges sans rompre la parité. Elle transféra également l'appel des jugements prud'homaux du tribunal de commerce au tribunal civil, offrant une meilleure garantie d'impartialité.

Loi du 25 mars 1907
Cette loi accorda aux femmes le droit de vote aux élections prud'homales, bien qu'elles ne fussent pas encore éligibles. Elle permit également la création de plusieurs sections au sein d'un même conseil, facilitant ainsi la représentation de différentes industries.

Loi du 15 novembre 1908
La loi de 1908 rendit les femmes éligibles aux conseils de prud'hommes, reconnaissant ainsi leur rôle croissant dans le monde du travail. Elle étendit également la compétence des conseils à l'ensemble du territoire national, comblant les lacunes de la couverture géographique.

Les Conseils de Prud'hommes Contemporains
Réformes des Années 1970-1980
Les lois des 18 janvier 1979 (Boulin) et 6 mai 1982 (Auroux) modernisèrent les conseils de prud'hommes en étendant leur compétence à tous les litiges individuels liés au contrat de travail. Elles introduisirent également un scrutin proportionnel pour l'élection des conseillers, renforçant ainsi le rôle des syndicats.

Défis Actuels
Malgré ces réformes, les conseils de prud'hommes font face à plusieurs défis, notamment un taux d'abstention élevé aux élections, une proportion faible de conciliations, et des délais de procédure trop longs. La question de l'impartialité reste également centrale, certains employeurs estimant que les conseils sont partialement favorables aux salariés.

Conclusion
Le livre met en lumière l'évolution complexe des conseils de prud'hommes, marquée par des avancées significatives mais aussi par des tensions récurrentes entre employeurs et salariés. La quête d'impartialité et d'équité reste au cœur des débats, reflétant les enjeux sociaux et politiques liés à cette institution judiciaire unique.

Villes où sont créés des conseils de prud'hommes sous Napoléon
1. Lyon (18 mars 1806) : Premier conseil de prud'hommes créé par la loi du 18 mars 1806, composé de neuf membres (cinq négociants-fabricants et quatre chefs d'atelier).
2. Clermont (Hérault) (6 juillet 1806) : Créé par décret, suivant l'exemple de Lyon.
3. Rouen (21 juin 1807) : Établi pour répondre aux besoins de l'industrie locale.
4. Nîmes (27 septembre 1807) : Création motivée par les demandes des fabricants locaux.
5. Avignon (2 février 1808) : Institué pour régler les conflits dans l'industrie textile.
6. Troyes (7 mai 1808) : Conseil créé pour les fabricants de textiles.
7. Mulhouse (7 mai 1808) : Établi pour l'industrie textile locale.
8. Thiers (19 août 1808) : Création en réponse aux besoins industriels locaux.
9. Sedan (23 août 1808) : Conseil institué pour les fabricants de la région.
10. Carcassonne (22 octobre 1808) : Créé pour les industries locales.
11. Saint-Quentin (21 décembre 1808) : Établi pour les fabricants de textiles.
12. Limoux (15 octobre 1809) : Création pour répondre aux besoins industriels locaux.
13. Reims (22 novembre 1809) : Conseil institué pour les fabricants de la région.
14. Tarare (22 novembre 1809) : Créé pour les industries locales.
15. Lille (29 mai 1810) : Établi pour les fabricants de textiles.
16. Saint-Étienne (22 juin 1810) : Conseil créé pour les industries locales.
17. Lodève (22 juin 1810) : Institué pour les fabricants de la région.
18. Louviers (7 août 1810) : Création pour les fabricants de textiles.
19. Roubaix (7 août 1810) : Établi pour les industries locales.
20. Marseille (5 septembre 1810) : Conseil institué pour les fabricants de la région.
21. Amplepuis (6 janvier 1811) : Créé pour les industries locales.
22. Orléans (12 avril 1811) : Établi pour les fabricants de la région.
23. Saint-Chamond (14 juillet 1811) : Conseil créé pour les industries locales.
24. Alais (12 août 1811) : Institué pour les fabricants de la région.
25. Alençon (28 avril 1813) : Création pour les industries locales.
26. Strasbourg (17 mai 1813) : Établi pour les fabricants de la région.
27. Bolbec (8 octobre 1813) : Conseil institué pour les industries locales.
28. Vire (26 août 1814) : Créé sous la Restauration pour les fabricants de la région.
29. Amiens (26 octobre 1814) : Établi pour les industries locales.
30.  Bar-le-Duc (29 novembre 1814) : Conseil créé pour les fabricants de la région.
31.  Niort (mai 1818) : Institué pour les industries locales.
32. Abbeville (1819) : Création pour les fabricants de la région.
33. Bédarieux (1819) : Établi pour les industries locales.
34. Elbeuf (1819) : Conseil institué pour les fabricants de la région.
35. Mamers (1819) : Créé pour les industries locales.
36. Thann (1821) : Établi pour les fabricants de la région.
37. Tourcoing (1821) : Conseil créé pour les industries locales.
38. Caen (1822) : Institué pour les fabricants de la région.
39. Cambrai (1823) : Création pour les industries locales.
40. Castres (1823) : Établi pour les fabricants de la région.
41. Vienne (1824) : Conseil institué pour les industries locales.
42. Armentières (1825) : Créé pour les fabricants de la région.
43. Calais (1825) : Établi pour les industries locales.
44. Limoges (1825) : Conseil créé pour les fabricants de la région.
45. Nancy (1825) : Institué pour les industries locales.
46. Rethel (1825) : Établi pour les fabricants de la région.
47. Sainte-Marie-aux-Mines (1825) : Conseil créé pour les industries locales.
48. Châlons-sur-Marne (1826) : Institué pour les fabricants de la région.
49. Cholet (1826) : Création pour les industries locales.
50. Laval (1826) : Établi pour les fabricants de la région.
51. Metz (1826) : Conseil institué pour les industries locales.
52. Orange (1826) : Créé pour les fabricants de la région.
53. Péronne (1829) : Établi pour les industries locales.

Ces créations successives montrent l'importance croissante des conseils de prud'hommes dans la régulation des conflits industriels sous Napoléon et les régimes

Béatrice Chabannes